Sélectionner une firme de génie-conseil (2/2)

Sélectionner une firme de génie-conseil (2/2)

Dans un billet précédent, j’expliquais les conséquences d’une formule inadéquate d’évaluation des offres de service pour des services professionnels dans le domaine municipal au Québec, favorisant nettement le plus bas prix au détriment de l’optimisation des projets.

J’aimerais maintenant aborder le fonctionnement et les avantages de la sélection basée sur la compétence (SBC), qui constitue selon l’AFG et selon plusieurs autres organisations dans le monde le meilleur mode de sélection pour les services professionnels d’ingénierie.

Le processus est le suivant : à la suite d’un appel d’offres, les firmes intéressées présentent leurs expériences pertinentes et leurs compétences, répondant aux questions du client pour lui permettre d’identifier la firme qui répondra le mieux à ses besoins (par exemple à l’aide d’un comité de sélection). La firme identifiée comme étant la plus compétente collabore ensuite avec le client pour définir précisément les besoins. Et ce n’est qu’après cette démarche que les honoraires sont négociés, sur la base d’un barème reconnu. Si l’équipe proposée et le prix conviennent au client, celui-ci octroie alors le contrat.

Utilisée aux États-Unis depuis 1972, la sélection basée sur la compétence offre des avantages qui ont été clairement démontrés, entre autres dans une étude réalisée par l’Université du Colorado et le Georgia Institute of Technology (An Analysis of Issues Pertaining to Qualifications-Based Selection).

Parmi les avantages de la SBC confirmés par les résultats de cette étude portant sur 41 projets dans 23 états américains, mentionnons un meilleur rapport qualité-prix, une diminution du risque dans la réalisation de projets complexes, un plus grand respect des échéanciers, de meilleurs projets et des clients hautement satisfaits.

De plus, l’étude a révélé un meilleur contrôle de l’augmentation des coûts de construction en cours de réalisation (les « extras »), avec un faible 3 % pour les projets en mode SBC, comparativement à une moyenne de 10 % pour l’ensemble des projets aux États-Unis. Autrement dit, les projets conçus par les équipes les plus compétentes, en étroite collaboration avec les clients afin de bien cerner les besoins et d’imaginer les solutions les mieux adaptées, sont moins susceptibles de nécessiter des avenants.

Par ailleurs, il faut toujours se rappeler que l’ingénierie représente seulement 1 % à 2 % des coûts d’un projet sur son cycle de vie, mais qu’elle influence 98 % à 99 % des autres coûts (construction, exploitation, maintenance, etc.). L’implication des consultants dès les premières phases pour assurer une bonne définition du projet (une lacune fréquente dans les appels d’offres), peut souvent générer un retour sur l’investissement intéressant aux étapes subséquentes.

À ces avantages importants, ajoutons la possibilité de développer des solutions innovatrices qui amélioreront le projet ou en réduiront le coût total de possession. Bref, la sélection basée sur la compétence permet de bénéficier pleinement de la valeur ajoutée offerte par l’expertise des meilleurs consultants pour le projet.

Au Québec, la SBC pour des services d’ingénierie ou d’architecture est utilisée depuis quelques années seulement par tous les organismes publics… à l’exception des municipalités. À l’instar de la Commission Charbonneau, on ne saurait trop insister sur l’importance de revoir le mode de sélection des professionnels pour ces dernières.

À l’heure des réflexions et des choix en matière d’octroi et de gestion des contrats publics au Québec, il est intéressant de constater que d’autres provinces au Canada cherchent aussi à améliorer leurs processus et s’intéressent à la sélection basée sur la compétence – en anglais Qualifications Based Selection (QBS) – pour les services professionnels.

C’est le cas en Ontario, où l’agence gouvernementale de coordination et d’intégration des transports dans la grande région de Toronto et la région de Hamilton, Metrolinx, a lancé un premier appel d’offres en mode SBC. C’est également le cas en Colombie-Britannique, où l’Association of Consulting Engineering Companies (ACEC-BC) a récemment produit une vidéo et un microsite pour faire la promotion de ce mode de sélection.

Le Québec fait figure de leader au pays en ayant adopté la SBC pour tous les organismes publics, mais nous pouvons certainement encore améliorer nos pratiques et la réflexion entourant le rapport de la Commission Charbonneau nous en donne maintenant l’occasion.

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