Affaires publiques
6 octobre 2016
Dans son édition du 1er octobre dernier, La Presse+ publiait une lettre signée par le président du syndicat des ingénieurs du gouvernement (APIGQ), M. Michel Gagnon. Ce texte, qui rappelle les 10 ans de l’effondrement du viaduc de la Concorde à Laval comme point de départ, fait abstraction d’éléments qui donnent une tout autre perspective aux conclusions du rapport d’enquête de la Commission Johnson sur cet incident tragique.
Dès les premières lignes, M. Gagnon rappelle que la Commission Johnson avait porté un blâme à l’endroit d’une firme privée dans son rapport final. C’est vrai, mais le rapport avait insisté sur le fait que l’effondrement du viaduc de la Concorde ne pouvait être attribué à une seule entité ou à une seule personne, étant plutôt le résultat d’un cumul de défaillances.
En fait, le rapport avait à l’époque surtout blâmé le MTQ, en ces termes : « la Commission a reproché et déploré certains manquements, mais elle a surtout tenu à blâmer le ministère des Transports du Québec pour les lacunes identifiées dans sa gestion des ouvrages ». Le rapport brossait alors un portrait fort peu élogieux du MTQ.
Difficile de croire que M. Gagnon utilise ce rapport pour soutenir ses arguments – soulignons par ailleurs que le Ministère a entrepris un redressement à plusieurs niveaux au cours des dernières années.
Dans son texte, M. Gagnon plaide en faveur d’une augmentation de l’expertise interne. Nous sommes d’accord, puisque faire affaire avec un client compétent permet de développer une meilleure relation de confiance, une collaboration plus efficace et une saine émulation. L’expertise ainsi développée et partagée devient un atout autant pour la réalisation d’infrastructures partout au Québec que pour l’exportation du génie québécois ailleurs dans le monde.
Ceci dit, au-delà de l’expertise, la Commission Johnson avait également suggéré dans son rapport d’opérer un changement de culture au MTQ, afin d’instaurer un environnement de travail davantage axé sur la collaboration. Réussir ce changement de culture exige que l’ensemble des employés se mobilisent autour d’une approche constructive, une démarche que serait certainement en mesure de soutenir M. Gagnon, lui qui est aux commandes du syndicat depuis 15 ans.
Pourquoi toujours maintenir un climat de confrontation, plutôt que d’établir les bases d’une collaboration renouvelée ? Pourquoi vouloir à tout prix « réduire les coûts de la sous-traitance », alors que l’objectif devrait être d’optimiser les projets et de réduire les coûts à long terme de nos infrastructures ? Pourquoi affirmer que les employés du secteur public pourront prévenir la corruption et la collusion, alors que la Commission Charbonneau a clairement révélé la participation de ressources internes dans ces stratagèmes ?
« Avons-nous appris de nos erreurs ? », demande Michel Gagnon. Disons que l’amélioration des infrastructures de transport en cours depuis quelques années, les changements majeurs en matière de gouvernance effectués dans le domaine du génie-conseil et les démarches du gouvernement pour assurer les meilleures pratiques dans l’octroi et la gestion des contrats publics, par exemple avec la création de l’Autorité des marchés publics, offrent des réponses positives.
Il est temps de capitaliser sur ces changements, de mettre en commun nos compétences et de consacrer toute notre énergie à concevoir et réaliser des infrastructures sécuritaires, durables et de qualité au bénéfice des citoyens.