Affaires publiques
17 octobre 2017
La semaine dernière, j’ai participé à une table ronde à l’occasion de la conférence Contrats publics : octroi et gestion en mode collaboration, innovation et solution organisée par Les Affaires.
Notre discussion, animée par Jean-Benoît Pouliot, avocat chez Langlois, portait sur l’impact du projet de loi 122 (autonomie municipale) sur les contrats publics. Je partageais la scène avec Yves Vermette, directeur général de la Ville de Sherbrooke et Félix Nunez, directeur général de la Ville de Beauceville.
La première question qui nous a été posée concernait une nouvelle disposition de la loi qui imposera aux municipalités, à compter du 1er janvier 2018, de prévoir un mécanisme pour assurer la rotation des contrats octroyés dans un mode de gré à gré, désormais autorisé pour les contrats de moins de 100 000 $.
Sur ce sujet, les représentants des municipalités ont affirmé qu’elles avaient beaucoup de réflexion à faire et que le projet de loi ne devrait pas changer leurs pratiques de façon drastique. Cette notion de rotation n’est d’ailleurs pas tout à fait claire pour l’instant… et à l’évidence, plusieurs municipalités seront frileuses à l’idée d’augmenter le seuil pour le gré à gré, un mode qui peut avoir son utilité, mais qui a été associé à des mauvaises pratiques dans le passé.
De mon côté, je crois que l’ajout du mode gré à gré entre 25 000 $ et 100 000 $ a permis d’agrandir le coffre à outils des municipalités. Par exemple, ce mode d’octroi de contrat pourrait être utilisé pour réaliser des études préparatoires afin de mieux définir les besoins.
De plus, utilisé judicieusement, le gré à gré peut contribuer à diminuer les coûts inhérents aux processus d’appels d’offres, autant pour les donneurs d’ouvrage que pour les fournisseurs.
Autre nouveauté, les municipalités peuvent maintenant faire varier un facteur entre 0 et 50 dans la « vieille » formule, fortement critiquée depuis son imposition, pour augmenter la qualité. L’effet est cependant minime et le prix demeurera prépondérant. Nous devons espérer que les municipalités s’éloigneront de cette formule pour sélectionner leurs professionnels en ingénierie, et se tourneront plutôt vers la formule pondérée, qui est maintenant permise pour les services professionnels, et qui peut être ajustée de façon plus précise en fonction d’un équilibre qualité/prix recherché.
Ce n’est malheureusement pas pour demain dans toutes les municipalités. D’abord, parce que certaines municipalités croient qu’elles peuvent obtenir le même niveau de service en demandant le plus bas prix que si elles sélectionnent en fonction d’obtenir la meilleure qualité. C’est une aberration du point de vue des fournisseurs, mais certains donneurs d’ouvrage veulent y croire.
Ensuite, la formation nécessaire pour administrer les appels d’offres exige apparemment beaucoup de temps. Maintenant que les municipalités sont habituées avec la vieille formule, il sera difficile et parfois très long avant de changes ses habitudes.
C’est la même chose pour l’introduction des discussions avec les soumissionnaires, un processus qui comporte certains risques, et dont l’utilisation devrait demeurer marginale. Rares sont les villes qui ont l’expertise pour intégrer ce genre de processus…
Un des derniers points abordés portait sur la possibilité pour les municipalités de modifier régulièrement leurs modes d’octroi de contrats.
Au-delà des difficultés au niveau de la formation des responsables municipaux et de l’inefficacité, je crois que le fait d’implanter des règles claires, bien connues et maîtrisées par les différents acteurs permet une bonne compréhension, une bonne exécution et une limitation des différends. Nous devons bien entendu tirer nos leçons de la Commission Charbonneau, mais il faut aussi apprendre à faire les distinctions nécessaires entre la recherche des meilleures pratiques et la lutte à la corruption. Les problèmes se situent souvent plus dans l’administration des processus que dans les formules elles-mêmes.
Dans un même ordre d’idées, lors de ce panel, Jean-Benoît Pouliot a proposé de créer un « Code des contrats publics québécois ». L’idée est intéressante et a d’ailleurs été appuyée par d’autres intervenants durant l’événement. Dans un prochain billet, Me Pouliot reviendra sur cette suggestion à titre de collaborateur au blogue.