Affaires publiques
22 novembre 2016
Dans un communiqué diffusé récemment, le gouvernement du Québec a annoncé un projet pilote pour l’adjudication de 15 contrats de services professionnels en ingénierie par le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports.
Je cite (j’ai choisi les mots en gras) :
« À la suite des recommandations de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, le Secrétariat du Conseil du trésor a entrepris une réflexion visant à faire évoluer le cadre réglementaire régissant l’adjudication des contrats de services professionnels afin de prévenir encore davantage la collusion en se dotant de règles moins prévisibles quant aux résultats des appels d’offres. Pour y arriver, le gouvernement s’inspirera notamment des meilleures pratiques observées dans le domaine. »
Or, force nous est de constater avec surprise et déception que même si l’intention est louable, la formule retenue pour ce projet pilote inclut le critère du plus bas prix, ce qui va à l’encontre des objectifs cités par le gouvernement et les constats de la Commission Charbonneau.
Bien sûr, la formule tiendra compte de la qualité, mais dès que le critère du plus bas prix entre en ligne de compte, il devient le critère déterminant.
Nul besoin de réaliser un projet pilote : depuis 2002, la sélection sur la base du plus bas prix dans les municipalités a démontré les multiples conséquences néfastes de cette pratique : collusion, dépassements de coûts, diminution de la qualité des services, perte de confiance, litiges et diminution de la concurrence et de l’expertise dans le marché.
Cela devrait nous avoir convaincus de nous tenir loin, très loin, de ce modèle. Mais non!!! Malgré toutes les révélations faites devant la Commission Charbonneau touchant le domaine municipal, le gouvernement décide de s’aventurer sur ce terrain glissant.
Donc, plutôt que de chercher à améliorer le processus de sélection basée sur la compétence, une pratique reconnue, qui fonctionne bien au niveau provincial et sur laquelle la Commission Charbonneau n’a rien trouvé à redire, le projet pilote vise exactement le contraire : importer dans un ministère une formule défaillante provenant du monde municipal. On y perd son latin.
C’est le monde à l’envers. Ailleurs au Canada, les gouvernements et organismes publics réalisent des projets pilotes soit en utilisant la sélection basée sur la compétence, soit en évoluant du critère du plus bas prix vers une formule équilibrée qui combine une évaluation de la qualité avec le critère du prix médian (le plus juste prix).
Ici-même au Québec, alors que nos firmes de génie-conseil s’efforcent de se relever d’une crise majeure pour faire face à la concurrence mondiale et conserver leur position parmi les leaders, nous risquons de tirer vers le bas toute une industrie et son écosystème en optant encore une fois pour le plus bas prix.
Nous sommes à l’aube du déploiement de grands projets d’infrastructures pour les dix prochaines années au moins et des milliards de dollars seront dépensés. Ceci constitue une opportunité d’innover et d’optimiser le coût de possession (conception, construction, exploitation et entretien) des ouvrages à bâtir, à condition que les conditions de succès soient mises en place.
À plus long terme, ce sont les citoyens qui vont en payer le prix si le gouvernement poursuit dans cette direction. Est-ce vraiment la voie que le Québec souhaite emprunter?