Comment porter plainte à l’Autorité des marchés publics? (1/2)

Comment porter plainte à l’Autorité des marchés publics? (1/2)

Guy Desrosiers, ex-analyste-enquêteur à la Commission Charbonneau, a participé activement à la mise sur pied de l’Autorité des marchés publics (AMP) alors qu’il était conseiller en gestion contractuelle au Secrétariat du Conseil du trésor.

Créée en 2018 avec la nomination de son premier président-directeur général Denis Gallant, l’AMP a pour mission de surveiller l’octroi des contrats publics au Québec. L’organisme a notamment pris en charge le processus de délivrance des autorisations visant à obtenir des contrats publics (qui était auparavant sous la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers) et la gestion du Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA).

La surveillance de l’AMP vise quelque 1800 organismes publics au Québec : ministères et organismes, réseau de la santé et des services sociaux, éducation, municipalités, etc. Son pouvoir d’intervention va jusqu’à la possibilité d’obliger un donneur d’ouvrage public à modifier des documents d’appel d’offres ou à annuler un appel d’offres ou un contrat de gré à gré.

À noter cependant que le pouvoir de l’AMP sur les municipalités se limite à des recommandations.

Entré au service de l’AMP en septembre 2018, Guy Desrosiers agit comme directeur par intérim du traitement des plaintes. À ce titre, il finalise actuellement l’élaboration des processus de traitement des plaintes concernant les appels d’offres publics, un nouveau service qui entrera en vigueur à compter du 25 mai 2019.

Dans le cadre d’une conférence présentée par l’AFG cette semaine, il a livré une formation de deux heures bien remplies sur les aspects techniques du traitement des plaintes pour les entreprises.

Impossible de vous rapporter tous les détails ici. Mais voici quand même certains éléments importants à savoir pour déposer une plainte à l’AMP.

D’abord, il y a deux façons pour les entreprises d’informer l’AMP de problématiques dans des appels d’offres publics ou les contrats de gré à gré :

1. Communication de renseignements : toute personne peut transmettre directement à l’AMP, en tout temps, un renseignement relatif au processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat public ou à son exécution, lorsque l’organisme public concerné n’apparaît pas agir ou avoir agi en conformité avec le cadre normatif.
Le processus est confidentiel, mais l’AMP n’a aucune obligation d’agir. Ceci dit, la communication de renseignements, même dans des cas qui semblent mineurs, peut aider l’AMP à dessiner un portrait global des problèmes au niveau de l’octroi de contrats et l’amener éventuellement à poser des questions et faire les vérifications nécessaires auprès d’un donneur d’ouvrage dont les pratiques paraissent problématiques.

2. Plaintes : il y a deux catégories de plaintes, soit pour les contrats de gré à gré et pour les appels d’offres publics.

ATTENTION : le champ d’application de la loi concerne uniquement l’octroi de contrats par appel d’offres publics ou de gré à gré dont la valeur se situe au-dessus du seuil minimal d’appel d’offres public applicable, fixé à 101 100 $ pour les services professionnels en 2018 et 2019. Les contrats d’une valeur inférieure au seuil en vigueur ne sont donc pas assujettis.

Plaintes pour des contrats de gré à gré

Dorénavant, la loi obligera les donneurs d’ouvrage publics à publier, au moins 15 jours à l’avance sur SEAO, un avis d’intention d’attribuer un contrat de gré à gré au-dessus du seuil applicable si l’appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public pour les organismes assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics, ou pour les organismes municipaux, dans le cas où un fournisseur s’avère le seul en mesure de fournir les matériaux, le matériel ou les services.

À la suite de la publication de cet avis d’intention, si une autre firme en mesure de réaliser le contrat est intéressée, elle doit manifester par voie électronique son intérêt auprès de l’organisme public, au moins 5 jours avant la date prévue de conclusion du contrat, et démontrer sa capacité à réaliser le contrat en fonction des besoins et des obligations énoncés dans l’avis d’intention.

Ensuite, il sera possible de porter plainte à l’AMP pour les motifs suivants :

  • la firme est en désaccord avec la décision de l’organisme public;
  • l’organisme public ne transmet pas sa décision au moins 3 jours avant la date prévue de conclusion du contrat.

Un dernier motif pour déposer une plainte à l’AMP serait le fait que l’avis d’intention requis par la loi pour l’attribution d’un contrat de gré à gré au-dessus du seuil d’appel d’offres public applicable n’a pas été publié sur le SEAO par le donneur d’ouvrage.

Dans tous les cas, l’AMP évaluera la plainte, demandera des explications à l’entreprise et au donneur d’ouvrage, et rendra ensuite une décision, par exemple en ordonnant l’annulation du contrat de gré à gré. La décision de l’AMP est finale.

Dans un prochain billet, j’aborderai la question des plaintes visant les appels d’offres publics.


Photo de couverture : Florène Kakunze, coordonnatrice de la recherche et des services aux membres de l’AFG, Guy Desrosiers, directeur par intérim du traitement des plaintes à l’Autorité des marchés publics (AMP) et André Rainville, président-directeur général de l’Association des firmes de génie-conseil – Québec (AFG).

S'abonner au blogue