Affaires publiques
9 mars 2022
La semaine dernière, le journal Le Soleil a publié un article sur les difficultés d’approvisionnement en services d’ingénierie à la Ville de Québec.
Le journaliste y démontrait la diminution du nombre de soumissionnaires aux appels d’offres de la ville et cherchait à expliquer la situation.
Quelques représentants de firmes (anonymes) ont partagé leur opinion sur le sujet.
Appelé à commenter, j’ai également pointé certains irritants qui me sont régulièrement rapportés dans les contrats municipaux de services d’ingénierie.
Par exemple, le mode d’octroi des contrats basé principalement sur le plus bas prix, les clauses contractuelles et les pénalités excessives, les échéanciers irréalistes, les longs délais de paiement, les exigences trop strictes sur l’expérience requise, le manque de reconnaissance des professionnels formés à l’étranger ou encore les demandes de garanties inutiles et coûteuses sont parmi les irritants souvent mentionnés.
L’AFG intervient d’ailleurs régulièrement pour sensibiliser les donneurs d’ouvrage aux effets négatifs de ces obstacles à la concurrence et à l’ouverture des marchés.
À la suite de la parution de cet article, un de nos membres m’a confié que la Ville de Québec pouvait considérer uniquement les firmes qui ont déjà réalisé des projets sur son territoire.
Ce genre de pratique signifie que même le meilleur spécialiste au monde dans son domaine n’obtiendra pas la note de passage s’il n’a jamais réalisé un projet à Québec. Cela limite drastiquement les options et décourage rapidement les soumissionnaires potentiels après quelques échecs.
La Ville de Québec est loin d’être la seule aux prises avec une problématique du genre.
Dans une étude de Raymond Chabot Grant Thornton sur les marchés publics publiée en 2021, les municipalités se classaient loin devant chez les donneurs d’ouvrage ayant suscité la plus forte baisse d’intérêt depuis les cinq (5) dernières années. Pas moins de 51 % des professionnels architectes et ingénieurs ont révélé avoir moins d’intérêt à offrir leurs services aux municipalités.
Une problématique similaire à anticiper pour les ministères et organismes ?
La situation est plus positive dans les contrats publics des ministères et organismes, qui sont gérés différemment. Ceci dit, les donneurs d’ouvrage gouvernementaux ne sont pas à l’abri de ce genre de problématique, en raison d’un encadrement clairement désuet des contrats (datant de 1987), et surtout d’un gel des taux horaires qui remonte à tout près de 13 ans. J’entends que plusieurs firmes se posent aujourd’hui de très sérieuses questions en voyant leur marge bénéficiaire fondre graduellement depuis plusieurs années.
Certains dirigeants craignent de devoir choisir, dans un proche avenir, entre la moins pire de ces deux options : réaliser des mandats à perte pour conserver l’expertise de leur firme dans une discipline/région donnée en espérant l’établissement d’une rémunération juste ou renoncer à certains contrats de donneurs d’ouvrage publics provinciaux.
Rétablir le canal de communication
Dans le domaine municipal, des firmes confrontées à ce dilemme au cours des dernières années et ont tout simplement choisi de quitter le marché, partiellement ou totalement. Beaucoup d’autres préfèrent maintenant écarter certaines municipalités où elles ne souhaitent plus travailler en raison de mauvaises conditions.
Ceci dit, la bonne nouvelle est que des villes et municipalités commencent à se pencher sur le problème en profondeur et à ouvrir le dialogue avec l’industrie.
C’est le cas notamment de la Ville de Montréal et de la Ville de Laval. Nous avons collaboré avec ces deux grandes villes pour identifier les irritants et chercher des solutions.
Le Comité Municipal de l’AFG a également fait des démarches pour sensibiliser les associations municipales face aux conditions d’exercice peu attrayantes dans les contrats municipaux.
Et l’automne dernier, avec le soutien de plusieurs partenaires dont l’AFG et l’Association des ingénieurs municipaux du Québec (AIMQ), le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) a publié le Guide de bonnes pratiques pour les appels d’offres de services professionnels en ingénierie pour infrastructures municipales.
Tous ces éléments soutenus par l’AFG font certainement partie de la solution. Et je suis évidemment tout à fait disposé à entamer un dialogue avec le maire Bruno Marchand et la Ville de Québec, s’il y a une volonté d’entendre les explications de l’industrie et d’apporter des solutions face à un problème qui risque de perdurer dans le temps.