Affaires publiques
9 février 2021
L’AFG a récemment présenté un webinaire sur les demandes d’équivalence dans les projets de construction, animé par Me Sophie Douville, conseillère juridique chez EXP et Me Ricardo Hrtschan, directeur affaires juridiques chez GBi Experts-conseils.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le terme, une demande d’équivalence dans un projet de construction permet à un fournisseur de proposer un produit qui comporte des caractéristiques équivalentes à un autre produit spécifié dans un appel d’offres.
Depuis quelques années, c’est devenu un enjeu important dans l’industrie. En effet, les donneurs d’ouvrage publics demandent de plus en plus souvent à leurs ingénieurs consultants d’identifier des produits équivalents lors de la conception d’un projet ou en cours d’exécution. Les ingénieurs doivent alors faire les recherches et les validations nécessaires, un exercice qui représente un investissement de temps important, sans toujours apporter de bénéfices au projet.
Le principe d’ouvrir la concurrence est tout à fait louable, mais il faut aussi se questionner sur la façon de l’appliquer en tenant compte des budgets et des échéanciers, surtout dans un contexte de forte activité et de rareté de main-d’œuvre.
Pour ces raisons, les demandes d’équivalence deviennent parfois difficiles à intégrer dans les mandats. Pensez à un projet d’hôpital, où l’on retrouve 2000 à 3000 produits différents.
Le Conseil du trésor fait d’ailleurs la mise en garde suivante dans son document de bonnes pratiques intitulé Balises à l’égard des exigences et des critères contractuels en construction : « Pour les organismes publics, l’évaluation de la performance et l’appréciation de l’équivalence de nouveaux produits, et plus particulièrement en cours d’appel d’offres, constituent un enjeu important, notamment parce que cela peut nécessiter un budget supplémentaire et entraîner des délais additionnels. »
En somme, il faut viser un juste équilibre entre la saine concurrence et l’efficacité dans la réalisation d’un projet.
Des pistes de solution
Certaines pratiques permettraient de diminuer les impacts négatifs entourant les demandes d’équivalence.
Entre autres, les conférenciers ont démontré que les lois en vigueur1 n’empêchent pas la spécification limitée de produits dans un appel d’offres public. La démarche doit cependant toujours permettre de prendre en considération des produits équivalents. L’Accord de libre-échange canadien suggère d’utiliser les termes « ou l’équivalent » lorsqu’un produit est spécifié.
La jurisprudence confirme la validité de cette approche, en autant que le processus assure une libre concurrence.
De plus, les coûts liés à la démonstration de l’équivalence, qui s’apparente à une démarche de développement d’affaires, et les autres coûts rattachés à un changement de produit, devraient être assumés par les fournisseurs de produits.
C’est ce que prévoit notamment la Société québécoise des infrastructures : « L’entrepreneur s’engage à défrayer tous les honoraires et frais relatifs à l’analyse d’une telle demande, ainsi que ceux relatifs aux changements importants aux plans et devis de tous les professionnels de la construction, et reconnaît que l’échéancier des travaux ne doit pas être affecté, que la demande soit approuvée ou non. »
Le rôle des professionnels du génie-conseil
En matière d’équivalences, le rôle des ingénieurs est de spécifier des critères techniques, fonctionnels et de performance objectifs. Dans cette optique, ils doivent se limiter à cibler les critères qui sont pertinents au projet, afin d’éviter d’écarter de bons produits équivalents. En conclusion, le rôle des professionnels ne consiste pas à promouvoir des produits. Ils doivent éviter de se laisser influencer par les pressions de fournisseurs qui tentent de percer le marché, parfois avec des produits de moindre qualité. À l’inverse, un processus clair et équitable de demandes d’équivalence peut permettre de découvrir de nouveaux produits plus performants, ce qui est essentiel dans l’optique d’optimiser les projets et d’innover.
[1] Accord de libre-échange canadien (art. 509), Loi sur les cités et villes (art. 573.1.0.14), Code municipal (art. 936.0.14)