Affaires publiques
25 mai 2020
Les chantiers de construction ont été relancés le 11 mai dans toutes les régions du Québec, incluant Montréal. Quelques jours plus tard, le président du Conseil du trésor Christian Dubé a annoncé que le gouvernement du Québec devancerait les investissements prévus au Plan québécois des infrastructures 2020-2030 pour accélérer la relance économique.
Si les mesures sanitaires sont appliquées de façon rigoureuse, l’industrie de la construction reprendra donc graduellement un certain rythme de croisière et contribuera significativement à la reprise de notre économie.
Le contexte actuel pose cependant un défi important à relever, soit de déterminer et de payer les coûts supplémentaires liés à la COVID-19, par exemple pour l’installation de lavabos et de toilettes, l’ajout de roulottes de chantier, les transports sur les grands chantiers, les équipements/outils additionnels, les délais supplémentaires, etc.
Comment évaluer les coûts? Qui doit payer? Les réponses ne sont pas si évidentes.
Pour l’heure, les donneurs d’ouvrage prennent différentes approches qui sont parfois aux antipodes.
Le ministère des Transports (MTQ) a notamment élaboré un processus complet pour demander aux entrepreneurs de les aviser par écrit si des frais supplémentaires s’appliquent en lien avec les recommandations gouvernementales de prévention contre la COVID-19 et de faire une démonstration claire des surcoûts.
Les mesures sanitaires additionnelles, la suspension des travaux, l’impact sur le coût d’un ouvrage spécifique et la prolongation des délais sont des coûts supplémentaires jugés acceptables avec une démonstration adéquate. D’autres surcoûts qui ne sont pas prévus actuellement pourraient aussi faire l’objet d’un remboursement s’ils s’avèrent justifiés. Les frais de financement et les pertes de profits ne sont cependant pas admissibles.
Des membres de notre Comité Transport et de notre Comité Ingénierie des sols et matériaux formeront un groupe de travail afin de préparer, à l’intention du MTQ, une proposition de coûts supplémentaires liés à la COVID-19. La réflexion sera bien sûr utile pour tout donneur d’ouvrage.
Une grande ville de la région métropolitaine a adopté une approche similaire, en exigeant de la part des entrepreneurs une estimation des coûts supplémentaires sur une base hebdomadaire. Ces coûts devront faire l’objet d’une entente avant le début des travaux.
Cela me semble une bonne approche, afin de bien identifier et appliquer les mesures de protection pour les travailleurs et autres intervenants, de rembourser les surcoûts qui sont justifiés et de payer le juste prix pour les livrables d’un projet malgré la variation des exigences sanitaires dans le temps, par exemple avec la venue d’une nouvelle vague de pandémie ou la découverte d’un vaccin contre la COVID-19.
Un des principes derrière ce genre d’approche est de favoriser la qualité des projets livrés, autrement dit éviter que les fournisseurs rognent sur la qualité pour compenser des surcoûts qu’ils devraient assumer seuls pour se conformer aux nouvelles mesures contre la COVID-19.
Dans un récent addenda, une autre municipalité dans la région de Lanaudière a indiqué, en réponse à une question d’un fournisseur, que la recevabilité des demandes de coûts supplémentaires liés à la COVID-19 serait analysée à la pièce, comme pour toute autre réclamation. Ce genre d’approche se veut sans doute honnête, mais comporte néanmoins une incertitude qui augmente le niveau de risque (et donc probablement les coûts dès le départ).
Par ailleurs, à l’autre bout du spectre, des cas nous ont été rapportés de donneurs d’ouvrage moins scrupuleux qui tentent d’imposer des clauses qui empêcheraient carrément tout coût supplémentaire pour des imprévus liés à la COVID-19. C’est une solution des plus simples, mais évidemment des plus inéquitables pour les fournisseurs, alors que personne ne sait comment la situation évoluera au cours des prochains mois.
Une préoccupation de tous les intervenants
La situation est préoccupante, et tous les intervenants dans l’industrie de la construction sont à la recherche d’une solution. Pour l’instant, une approche de coût journalier, souhaitée par certains fournisseurs, ne semble pas être retenue par les donneurs d’ouvrage et me semble d’ailleurs difficilement défendable. Nous pouvons probablement nous attendre à des « codes d’ouvrage » spécifiques, des remboursements pour du matériel et des honoraires additionnels, et une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources. Les donneurs d’ouvrage public adoptent pour l’instant différentes approches et ont tendance à vouloir traiter les demandes au cas par cas.
Dans ce contexte, plusieurs associations dans l’industrie de la construction regroupées sous le Forum d’initiatives stratégiques pour l’industrie de la construction (FISIC), dont fait partie l’AFG, ont récemment interpellé le gouvernement sur cet enjeu. Le groupe demande au gouvernement d’inciter les donneurs d’ouvrage publics et privés à faire preuve d’équité dans la gestion des contrats. Selon la vision du FISIC, les différentes parties prenantes d’une entente contractuelle devraient assumer ensemble les impacts financiers de la COVID-19, de façon éthique et équitable. Je crois que cette vision rejoint la volonté d’une majorité de Québécois prêts à se « serrer les coudes » et à « travailler ensemble » pour faire face à la crise. L’AFG est également en discussion avec les donneurs d’ouvrage pour établir le remboursement adéquat des dépenses et honoraires supplémentaires liés à la pandémie pour les firmes de génie-conseil. Le travail se poursuivra au cours des prochaines semaines.