Meilleures pratiques
11 mars 2020
Le choix d’une méthode contractuelle de réalisation est un exercice ardu où on doit considérer plusieurs facteurs reliés au client, dont la capacité de gestion et l’implication de la partie publique durant la phase de conception, la complexité du projet, l’échéancier, le budget, le milieu social et environnemental, etc.
Une des tendances actuelles dans ce domaine est le mode de réalisation de projet intégrée (RPI ou Integrated Project Delivery – IPD en anglais), qui est bien implanté dans quelques pays, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, et qui commence à s’établir au Canada.
Ce mode a déjà été utilisé ailleurs au pays dans le secteur du bâtiment (écoles et hôpitaux). Le ministère de la Défense nationale est parmi les premiers à avoir adopté cette méthode de réalisation et on constate aussi que des clients ont privilégié ce mode pour des projets d’infrastructure, notamment le troisième lien de Cataraqui à Kingston, et Union Station, à Toronto.
À mon avis, cette méthode de réalisation est novatrice, car elle permet d’optimiser nos ressources en utilisant les forces de chaque membre de l’équipe. L’équipe élargie comprend le client, le(s) concepteur(s), le(s) entrepreneur(s), les fournisseurs clés et les intervenants clés; chacun doit jouer son rôle pour arriver à livrer le projet. J’ai d’ailleurs participé à cet exercice dans le cadre de certaines offres de service et cela m’a permis d’en tirer quelques leçons.
Par exemple, il faut absolument préparer des budgets et des échéanciers solides pour exécuter le projet. On doit établir des budgets en équipe et ensuite trouver une panoplie de solutions qui répondent aux besoins du client. Au début de l’exercice, le grand défi est de respecter l’enveloppe budgétaire en appliquant des solutions qui sauvent des coûts sans affecter la qualité et la fonctionnalité de l’ouvrage. Le client peut ensuite utiliser ces surplus pour réinvestir dans le projet. Évidemment, créer un surplus budgétaire est une option très intéressante pour le client.
Il faut également modifier la fonction du contrat. Alors que traditionnellement, le contrat peut être une source de conflits, la fonction du contrat est différente en mode RPI : il devient un outil incitatif qui sert à promouvoir un environnement transparent et innovateur, où l’aspect commercial est un livre ouvert, contrairement au mode traditionnel. La réussite et la fierté de l’équipe résident dans la collaboration et la livraison du projet, sans avoir à perdre du temps dans des discussions sur les labilités et les responsabilités.
L’utilisation d’outils technologiques performants est aussi importante dans ce type de projet, comme par exemple les modélisations en 3D qui permettent de consulter le public et d’effectuer des changements en temps réel ou encore l’analyse paramétrique afin d’optimiser structures.
Voici un tableau qui explique bien les principales différences entre le mode traditionnel et le mode RPI :
Aspects | Réalisation de projet traditionnelle | Réalisation de projet intégrée | ||
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Esprit d’équipe : | Les équipes sont divisées, contrôlées, fortement hiérarchisées, composées au fur et à mesure avec le minimum de ressources. Par définition il existe des tensions dues aux conflits d’intérêts, qui limitent la collaboration et le choix des solutions. | Entité d’équipe intégrée composée d’intervenants-clés au projet, rassemblés dès les débuts des démarches. Transparence, ouverture, collaboration et esprit d’équipe pour arriver à la meilleure solution. | ||
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Procédés | Linéaires, distincts, isolés. Accès restreint au savoir, partage de l’information limité, cloisonnement du savoir et de l’expertise, utilisés pour le bien des entités plus que le bien du projet. | Progression simultanée à plusieurs niveaux, contributions en savoir et en expertise dès le début, partage ouvert de l’information, respect et confiance des intervenants. | ||
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Risques | Gestion individuelle, délégation excessive. Le signataire du contrat doit gérer ces risques inclus dans son contrat même s’il n’est pas l’entité en meilleure position pour obtenir les bons résultats. | Gestion collective, partage justifié et risques traités par l’entité la plus en mesure de l’éviter ou de le mitiger et de fournir les bons résultats. | ||
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Coûts | Les objectifs sont individuels (par entité) avec l’objectif de maximiser les résultats avec le moins d’efforts possible. L’attitude est fondée sur les coûts et la maximisation des profits. | Les objectifs sont collectifs et fondés sur la valeur et la qualité. Le succès de l’équipe est relié au succès du projet et à la livraison de la plus-value déterminée par l’équipe. | ||
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Technologies | Les communications sont traditionnelles et visent à protéger les intérêts de chaque entité. | Numérisées, virtuelles, passage à la modélisation des données (de niveau 3, 4 et 5). Les décisions sont collectives et il y a une bonne utilisation des nouvelles technologies. | ||
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Attitude | Encouragement des efforts unilatéraux dans le but de diminuer les risques. | Les risques sont partagés. On encourage et favorise le développement et le soutien du partage ouvert à caractère multilatéral. |
À propos de l’auteur :
Possédant une longue expérience comme chargé de projet et concepteur de ponts, Tarek Mourad occupe actuellement le poste de vice-président, transport du Québec chez WSP, où il œuvre depuis 2018. Il compte 30 ans d’expérience dans 10 pays et il a assuré la réalisation de projets d’envergure ainsi que la conception de nombreux ponts.