Vers de nouveaux modes d’octroi des contrats publics

Vers de nouveaux modes d’octroi des contrats publics

Le gouvernement a publié en octobre deux projets de règlements qui proposent de modifier fondamentalement l’octroi des contrats publics en ingénierie par les ministères et organismes publics (ne vise pas les municipalités).

En fait, il s’agit d’un remaniement complet du cadre réglementaire qui s’applique depuis des décennies pour les ingénieurs (et les architectes, dont l’encadrement est très similaire).

L’objectif du Secrétariat du Conseil du trésor avec ces modifications réglementaires est d’offrir aux ministères et organismes publics l’accès à de nouveaux modes d’octroi de contrats.

Le résultat est un bon compromis afin de garnir le « coffre à outils » des donneurs d’ouvrage publics et de favoriser la concurrence avec de nouveaux modes, tout en continuant à valoriser des services professionnels de qualité.

L’AFG a déposé un mémoire pour faire part de ses commentaires. Je vous dresse dans ce billet les faits saillants des modifications réglementaires et l’essentiel des recommandations contenues dans notre mémoire.

Abrogation du Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des ingénieurs

Un premier projet de règlement vient abolir le Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des ingénieurs, auquel les initiés réfèrent souvent par l’appellation « décret 1235-87 ».

Ce tarif contient notamment des définitions, une description détaillée des services, des méthodes de paiement, les dépenses admissibles, la classification des travaux de génie et les taux horaires en fonction l’expérience.

Ce n’est pas un secret, nous aurions préféré au départ une mise à jour du décret. Ceci dit, advenant son abolition, nous sommes convaincus qu’un guide doit être mis à la disposition des donneurs d’ouvrage et des firmes de génie-conseil pour encadrer la gestion des mandats. Notre mémoire en fait donc officiellement la recommandation.

Période transitoire

L’abrogation du règlement sur le tarif est prévue pour 2025. Entre-temps, les conditions actuelles continueront de s’appliquer. Cependant, pour les contrats en cours ou en voie d’être octroyés au moment où le tarif sera abrogé, le projet de règlement prévoit une période transitoire pendant laquelle le tarif serait maintenu pour une période additionnelle de quatre (4) ans. Cette période transitoire nous apparaît excessive et nous demandons de la réduire à une (1) année.

Nouveaux modes d’octroi des contrats

Le deuxième projet de règlement vise de modifier le Règlement sur certains contrats de services des organismes publics vise d’offrir différentes options pour l’adjudication des contrats avec l’introduction de nouveaux modes.

D’entrée de jeu, je tiens à saluer la volonté du Secrétariat du Conseil du trésor de ne pas faire reposer les nouveaux modes d’adjudication sur la règle du plus bas soumissionnaire.

Le « coffre à outils » des ministères et organismes publics proposé contient les modes suivants.

  • Évaluation de la qualité suivie d’une négociation du prix
    C’est l’équivalent de la méthode actuelle et c’est une bonne nouvelle de l’avoir conservé. Pour l’AFG, ce mode demeure le meilleur pour favoriser l’innovation et la conception d’infrastructures durables.
  • Méthode qualité-prix
    La nouvelle méthode qualité-prix sera calculée en fonction de la médiane des prix du marché. L’objectif est donc de viser le juste prix, et les firmes qui proposeront un prix situé à l’intérieur d’une certaine fourchette autour de cette médiane obtiendront le maximum de points.

    Le projet de loi prévoit une note variant de 40 % à 70 % pour la qualité. Notre mémoire réitère notre position selon laquelle la qualité ne devrait jamais compter pour moins de 70 % de la note globale.

    La clé du succès avec ce mode de sélection est que les donneurs d’ouvrage qui voudront l’utiliser devront s’assurer que les projets soient bien définis avant de lancer leurs appels d’offres.
  • Concours de conception
    Davantage utilisés pour les services d’architecture, les concours seront aussi accessibles aux ingénieurs. La première étape de ce processus consiste à solliciter uniquement une démonstration de la qualité.
  • Contrats à exécution sur demande
    Le projet de règlement propose de rendre accessible à la Société québécoise des infrastructures ce mode déjà utilisé au ministère des Transports. L’un de ses avantages est de permettre à de plus petites firmes ou à des firmes moins expérimentées dans les contrats publics de faire leurs preuves avec des mandats de moindre envergure, ce qui leur offre ensuite la possibilité de compétitionner sur des mandats plus complexes.

Délais de négociation et ajustements

À la suite de la sélection d’une firme basée sur la qualité, le projet de règlement introduit un délai de négociation maximum de 90 jours pour parvenir à une entente. Cette mesure est tout à fait souhaitable, puisque les délais de négociation constituent un enjeu autant pour les donneurs d’ouvrage que pour les firmes.

Nous demandons toutefois d’ajouter un mécanisme de prolongation exceptionnelle des négociations, pour des circonstances exceptionnelles. Et surtout, nous croyons que la réglementation doit prévoir que les forfaits négociés dans ces premiers 90 jours seront ajustés en fonction des grandes étapes du projet, une fois les détails du projet précisés.

Puisque les architectes et les ingénieurs sont les concepteurs des ouvrages à construire, l’évaluation d’un juste prix demeure un grand défi avant l’étape de concept définitif du projet. En effet, il faut connaître les détails du projet pour en évaluer précisément les coûts!

Par ailleurs, notre mémoire soulève des craintes que certains contrats puissent ne pas être couverts par les modifications réglementaires, considérant que les nouveaux modes d’octroi de contrats s’appliquent de façon spécifique à des contrats « de services d’architecture ou d’ingénierie liés à des travaux de construction relatifs à un bâtiment ou à une infrastructure de transport ».

Nous offrons notre collaboration au Secrétariat du Conseil du trésor et aux donneurs d’ouvrage dans l’implantation des nouveaux modes d’adjudication des contrats. Au cours des prochaines semaines, nous ferons aussi des recommandations sur un cadre permettant de contribuer à l’accélération des processus et à la réussite des projets.

S'abonner au blogue