Meilleures pratiques
4 Décembre 2025
Lors du Grand Forum 2025 du Conseil des infrastructures, à la fin novembre, j’ai eu le plaisir d’échanger avec ma collègue Sarv Asgari, vice-présidente Transports de Stantec pour l’ouest des États-Unis, au sujet d’une aventure qui a marqué notre équipe : la réalisation en mode Alliance du projet Falls Creek, en Colombie-Britannique. Cette expérience unique, et l’engouement des participants à la conférence, m’ont amené à réfléchir au fort potentiel de cette approche pour le Québec.
Le mode Alliance, c’est bien plus qu’un contrat. C’est une approche collaborative de gestion de projet où tous les partenaires (donneur d’ouvrage, concepteur, constructeur) forment une équipe intégrée et partagent les risques (et les bénéfices!). Chacun met de côté ses intérêts individuels pour viser la réussite collective du projet. Les décisions sont prises en collégialité, dans un climat de confiance et de transparence, avec un objectif commun de collaboration. Cet environnement permet d’imaginer et de proposer des solutions inédites et de s’adapter rapidement aux imprévus. Ce modèle, bien établi en Australie et au Royaume-Uni, reste encore peu répandu au Canada, mais son potentiel est immense.
En novembre 2021, une rivière atmosphérique a frappé la Colombie-Britannique, provoquant des inondations et des glissements de terrain majeurs qui ont détruit un tronçon de la Route 1, au cœur du canyon du Fraser. Face à l’urgence, le ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique a lancé un vaste programme de rétablissement avec des objectifs clairs: assurer la sécurité, intervenir rapidement, respecter les territoires autochtones, renforcer la résilience climatique, maintenir la circulation, soutenir l’économie locale et optimiser les coûts.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de chaînes d’approvisionnement complexes et de normes climatiques en constante évolution, le ministère a fait le pari du mode Alliance pour mobiliser rapidement les expertises, favoriser l’innovation et aligner les intérêts de tous les partenaires au bénéfice des collectivités. En tant que concepteur du projet, Stantec a vécu une aventure humaine et technique hors du commun, en collaboration avec l’entrepreneur BA Blacktop, une filiale de VINCI. La confiance instaurée par le partage des risques et des bénéfices a permis d’oser des solutions innovantes, comme le glissement du pont en place, qui n’aurait pas été possible dans un modèle traditionnel en raison de la répartition classique des responsabilités et des risques.
L’expérience de Stantec à Falls Creek illustre comment le mode Alliance, ou toute autre approche collaborative, pourrait enrichir la réalisation des projets d’infrastructures au Québec. L’expérimentation de projets pilotes sur des chantiers de taille moyenne, l’ouverture à plus de collaboration et d’innovation dans les appels d’offres, ainsi que la gestion proactive des conflits et l’engagement actif des parties prenantes dans les décisions clés, sont autant de pistes à considérer.
Au-delà de la méthodologie, le mode Alliance propose une évolution culturelle dans la gestion de projet. Cette approche collaborative pourrait offrir au Québec de nouvelles façons d’innover, de renforcer la résilience des infrastructures et de répondre plus efficacement aux défis actuels et futurs. En somme, l’avenir des projets d’infrastructures au Québec pourrait bénéficier d’une réflexion collective et d’une ouverture à la collaboration entre tous les acteurs du secteur, afin d’imaginer ensemble des solutions adaptées aux collectivités.