Modes d’octroi des contrats municipaux : les choses changent petit à petit

Modes d’octroi des contrats municipaux : les choses changent petit à petit

J’ai pris part hier à la conférence Contrats publics présentée par Les Affaires, qui a attiré plus de 200 personnes impliquées de près ou de loin dans les marchés publics.

En après-midi, j’ai d’ailleurs participé à une table ronde sur le point de vue de l’industrie face aux changements législatifs en matière de gestion contractuelle. J’y reviendrai dans un prochain billet, mais j’aimerais dans un premier temps partager avec vous des interventions et des données intéressantes d’une autre table ronde.

En effet, tout juste avant notre discussion, des représentants du monde municipal sont montés sur scène pour discuter de l’impact du projet de loi 122, qui a accordé aux municipalités en juin 2017 des pouvoirs élargis et de nouveaux outils en matière de gestion contractuelle.

Les panélistes ont notamment parlé du pôle d’expertise créé par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) pour soutenir les municipalités dans l’adoption et l’application des nouveaux outils à leur disposition. Des guides et/ou des bulletins d’interprétation seront produits par ce pôle d’expertise. Il s’agit d’une excellente initiative, en particulier pour les plus petites municipalités. L’AFG a déjà été invitée à contribuer aux travaux et nous espérons poursuivre cette collaboration…

Ensuite, un des panélistes, Jean Dubé, administrateur à l’Association des directeurs généraux des municipalités du Québec (ADGMQ) et conseiller à la direction générale de la Ville de Lévis, a livré quelques faits saillants d’un sondage mené par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) auprès de 44 grandes villes et cités régionales, portant sur l’adoption d’un règlement de gestion contractuelle pour les contrats d’une valeur de moins de 101 100 $, une mesure prévue dans le PL 122.

Un an et demi après l’adoption de la loi, ce sondage nous apprend que quelque 60 % des municipalités ont adopté un règlement de gestion contractuelle et que 35 % ont l’intention de le faire ou ont amorcé le processus.

De plus, 89 % des municipalités qui sont déjà passées à l’action ont augmenté le montant maximum en deçà duquel le recours au gré à gré est permis, parfois sous certaines conditions. Attention ici : pour des municipalités, le « gré à gré » inclut aussi des discussions avec plus d’une firme sans processus formel, pour ensuite octroyer le contrat sans appel d’offres.

Dans un même ordre d’idées, le sondage nous renseigne sur les mesures mises de l’avant pour favoriser la rotation des fournisseurs par les municipalités qui ont décidé de permettre le gré à gré en bas de 101 100 $ (ce principe de rotation avait été ajouté au projet de loi en commission parlementaire).

61 % contacteront au moins deux fournisseurs

42 % tiendront une liste de fournisseurs

26 % feront une rotation à chaque contrat

11 % feront une préqualification

11 % ne prévoient aucune mesure de rotation

 

Par ailleurs, 88 % des répondants prévoient aussi la possibilité d’utiliser les appels d’offres sur invitation en bas de 101 100 $. Les municipalités se gardent donc plusieurs options disponibles, ce qui est tout à fait légitime.

La discussion a ensuite porté sur les autres formules disponibles pour les municipalités, notamment la formule traditionnelle (fortement décriée à la Commission Charbonneau) et la formule modifiée avec un facteur « qualité » pouvant varier entre 0 et 50 (introduite par le PL 122).

Sur cette question, une autre intervention de Jean Dubé s’est avérée hautement instructive : le service d’approvisionnement de la Ville de Lévis a repris une centaine d’appels d’offres menés avec la formule traditionnelle, mais en faisant varier la pondération du critère prix, passant de 50 à 0, soi-disant pour donner un maximum de poids à la qualité.

Le résultat? Sur 100 appels d’offres, un (1) seul gagnant avait changé. Cette démonstration illustre de façon concrète et éloquente comment la variable « qualité » prévue dans le PL 122 n’a absolument aucun impact significatif. Même avec ce changement, la formule municipale à deux enveloppes favorise toujours – et de loin – le critère prix.

Nous le savions déjà et nous l’avions signalé au gouvernement, mais c’est très intéressant d’entendre une municipalité, qui s’est donnée la peine de faire l’exercice avec des appels d’offres réels, faire le même constat que nous.

Malgré ces constats et malgré un coffre à outils beaucoup plus étoffé depuis l’adoption du PL 122, les municipalités sont encore timides dans l’utilisation de nouveaux modes d’octroi de contrats.

Ceci dit, les choses commencent à changer petit à petit dans le monde municipal, à tout le moins avec une prise de conscience de plus en plus étendue face aux problématiques reliées à des formules qui accordent une prépondérance au critère du prix dans la sélection de firmes d’architecture et d’ingénierie.

S'abonner au blogue